Ce premier article sur le syndrome de l’intestin irritable est là pour vous présenter les bases de ce trouble complexe au retentissement majeur et pourtant souvent banalisé.
Pour en savoir plus sur le lien syndrome de l’intestin irritable et dépression, nous vous conseillons de lire également : Maladie de civilisation : lien entre troubles anxiodépressifs et syndrome de l'intestin irritable
Introduction
Le syndrome de l’intestin irritable (SII), aussi appelé colopathie fonctionnelle, est une affection fréquente et souvent source de nomadisme médical. Le SII est un trouble bien connu de l’hépato-gastro-entérologue et le psychiatre n’arrive souvent qu’en dernier recours du fait du retentissement moral de cette pathologie.
Le syndrome de l'intestin irritable est une maladie biopsychosociale.
Il associe la coexistence de douleurs abdominales chroniques, de ballonnements et des troubles du transit (constipation, diarrhée, ou alternance des deux). S’il n’engage pas le pronostic vital, son impact sur la santé publique est important par l’altération de la qualité de vie des malades touchés ainsi que le coût économique de sa prise en charge.
Le syndrome de l’intestin irritable est un diagnostic clinique
En effet, l’ensemble des examens paracliniques d’explorations ne retrouve fréquemment aucun substrat macroscopique et sert principalement à exclure des diagnostics différentiels de type maladie cœliaque, recto-colique hémorragique, diverticulose voire cancer.
Dans ce contexte, il a été établi les critères diagnostiques de Rome, dont la version IV date de 2016.
Critères de Rome IV
Douleur abdominale récurrente survenant en moyenne au moins 1 fois par semaine dans les 3 derniers mois et évoluant depuis au moins 6 mois.
Associé avec au moins 2 des critères suivants :
Douleur associée à la défécation
Douleur associée à une modification de la fréquence des selles
Douleur associée à une modification de la consistance (aspect) des selles
Le syndrome de l’intestin irritable est un trouble fréquent, présent chez 20% de la population générale française. Mais cette prévalence pourrait être sous-évaluée du fait de la diversité de ce trouble et de son origine encore mal connue.
La prépondérance de l’affection est féminine avec un sexe-ratio de 2/1 à 3/1.
Si le diagnostic est souvent posé entre 30 et 40 ans, l’interrogatoire rétrospectif montre l’apparition de prodromes de façon plus précoce et s’aggravant avec le temps, faisant suspecter un effet d’accumulation.
De plus, le SII est souvent associé à des comorbidités à l’origine de la première consultation : cystites interstitielles, dyspepsies, lombalgies chroniques, syndrome de fatigue chronique, fibromyalgie, migraines, phénomènes anxiodépressifs.
Plusieurs de ces comorbidités font partie du nouveau spectre des maladies dites de civilisation avec pour point commun la suspicion de la piste inflammatoire.
Par l’altération de la qualité de vie qu’il entraine, le SII est à l’origine de nombreuses comorbidités psychosociales qui participent à entraver le quotidien du patient.
Constipation ou diarrhées entrainent ainsi des moments d’importante fatigue. La qualité du sommeil peut être perturbée par le SII à l’origine d’asthénie diurne, de difficultés de concentration, jusqu’à l’émergence d’authentiques syndromes anxiodépressifs avec la présence d’idées suicidaires.
L’alimentation joue également un rôle prépondérant
L’alimentation joue également un rôle prépondérant, la majorité des patients relatant une augmentation des symptômes à la suite des prises alimentaires. Les repas deviennent donc source d’anxiété, ce qui entraîne une baisse d’appétit. D’autre part, la vie intime n’est pas épargnée par la maladie.
De plus, la difficulté du parcours de soin avec la multiplication d’examens paracliniques non concluants occasionne une souffrance morale et un sentiment de solitude chez ces patients, qui souvent s’isolent devant le sentiment d’incompréhension, voire de honte.
Ce parcours de soin souvent long et tortueux est responsable d’un impact économique important sur la société, auquel s’ajoutent les indemnités journalières versées lors des arrêts de travail et l’ensemble des traitements dits alternatifs qui restent à la charge du patient.
La paroi de l’intestin grêle se compose de quatre couches, de l’intérieur vers l’extérieur :
La muqueuse (épithélium, chorion et musculaire muqueuse)
La sous-muqueuse
La musculeuse (avec deux couches, l’une circulaire interne et l’autre longitudinale externe)
La sous-séreuse (recouverte elle-même d’une séreuse ou péritoine viscéral)
La muqueuse intestinale est la couche la plus impliquée dans le syndrome de l’intestin irritable.
Elle résulte de l’alternance de villosités et de cryptes.
Les villosités sont des expansions en doigts de gant du chorion, recouvertes par un épithélium unistratifié.
L’épithélium est constitué :
En grande majorité d’entérocytes (cellules absorbantes avec bordure en brosse constituée de microvillosités)
De cellules caliciformes (mucosécrétantes)
De rares cellules neuroendocrines
Des lymphocytes (en majorité des lymphocytes T CD8+), avec à l’état normal moins de 30 lymphocytes pour 100 cellules épithéliales au niveau des villosités
L’épithélium de revêtement se prolonge dans le chorion pour former les cryptes de Lieberkühn. On retrouve les mêmes types cellulaires dans l’épithélium des cryptes, avec en plus à leur base des cellules de Paneth, qui sécrètent notamment des défensines et du lysozyme.
Quelques particularités histologiques caractérisent les différents segments d’intestin grêle :
Dans le duodénum proximal, la présence de glandes dans la sous-muqueuse (glandes de Brunner, responsables d’une sécrétion alcaline).
Dans le jéjunum, la présence de nombreuses valvules conniventes, qui correspondent à un soulèvement de la muqueuse et de la sous-muqueuse perpendiculaire à l’axe longitudinal du grêle.
Au niveau de l’iléon terminal, la présence d’un abondant tissu lymphoïde sous la forme de plaques de Peyer, qui sont des agrégats d’amas lymphoïdes dans la muqueuse et la sous-muqueuse.
Représentation histologique de l’intestin grêle d’un sujet souffrant de SII avec micro-inflammation et hyperperméabilité. Intestin irritable, les raisons de la colère. Sabaté JM. Larousse ; 2016
Les particularités histologiques retrouvées chez un patient souffrant d’un SII sont :
Une infiltration mastocytaire et lymphocytaire responsable d’un état micro-inflammatoire alors qu’ils sont à proximité du plexus nerveux sensitif afférent
L’augmentation des entérochromaffines (5-hydroxytryptophane) qui participent à la voie des indolamines avec la kynurénine et les TRYCATs (tryptophan catabolites along the IDO pathway)
Une augmentation des cytokines et messagers pro-inflammatoires au sein de muqueuse intestinale puis dans le sang
Un relâchement des jonctions serrées entre les entérocytes augmentant la perméabilité intestinale
Le SII est une maladie multifactorielle qui reste mal connue, car sans substrat organique franc, mais résultant de l’association variable et non toujours spécifique des symptômes suivants :
Trouble de la motricité intestinale
Hypersensibilité viscérale
Altération du microbiote, anciennement appelé flore intestinale
Hyperperméabilité intestinale
Perturbation de l’immunité intestinale avec développement d’une inflammation de bas grade et une favorisation de la fermentation colique
Facteurs psychologiques, pouvant améliorer ou aggraver la pathologie
Impact de l’alimentation
Notion d’un possible facteur déclenchant sur un terrain fragilisé : séquelle d’une gastro-entérite aiguë, infection par Clostridium difficile, choc émotionnel intense
Le prochain article vous expliquera mécanisme par mécanisme le fonctionnement du syndrome de l’intestin irritable.
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Article rédigé par Dr Loris-Alexandre Mazelin
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