La principale théorie de fonctionnement dans les syndromes anxiodépressifs (SAD) est celle d’un dysfonctionnement monoaminergique.
Dans cette théorie, le gène cible pour le BDNF (brain-derived neurotrophic factor) est sujet de nombreuses recherches.
En effet, le rôle du BDNF est de maintenir le système neuronal et ses interconnexions en bon fonctionnement. Mais sous l’effet de stimuli stressants, où le concept du stress est pris au sens large du terme, c’est-à-dire aussi bien psychique que physiopathologique, le gène du BDNF peut être réprimé et mettre en péril la viabilité de l’ensemble du système par un phénomène d’apoptose, donc de mort neuronale.
Le syndrome anxiodépressif est également la source de modification dans les taux de monoamines avec une baisse par épuisement au niveau cérébral de la sérotonine (5-HT), de la noradrénaline (NA) et de la dopamine (DA) si le stimulus stressant devient chronique. Précisons, que la NA et l’adrénaline augmentent tout d’abord dans le phénomène anxieux avant de diminuer par épuisement des ressources.
Effet du stress chronique sur le cerveau. INSERM, 2011
L’ensemble de ces phénomènes peut s’associer d’une atrophie cérébrale, principalement dans les zones les plus à risques comme par exemple l’hippocampe ou le cortex préfrontal. Néanmoins, ce phénomène d’atrophie est partiellement réversible, principalement sous l’effet des antidépresseurs qui permettent la réactivation de la cascade de synthèse de ces différents facteurs.
Or cette atrophie neuronale a de nombreuses conséquences.
Physiologiquement, les neurones de l’amygdale et de l’hippocampe inhibent l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS). Mais s’ils sont atrophiés, l’axe HHS se retrouve alors en état d’hyperexcitation, avec pour conséquence une augmentation de la corticolibérine (CRF) au niveau de l’hypothalamus, elle-même entraînant la libération de l’hormone corticotrope (ACTH) au niveau de l’hypophyse. Hormone corticotrope donnant lieu à l’élévation des taux de glucocorticoïdes au niveau surrénalien.
Et du fait de cette même atrophie, le rétrocontrôle négatif qui devrait avoir lieu par les glucocorticoïdes sur la libération de CRH ne peut se faire. Le dysfonctionnent est donc maintenu et s’aggrave par son effet sensibilisant.
Dans cette physiopathologie anxiodépressive, l’amygdale et le cortex préfrontal jouent également un rôle important.
Conséquences de l’activation du système nerveux autonome
L’amygdale s’active par exemple lors d’un sentiment de peur, mais cette peur n’est pas qu’un ressenti subjectif. Elle est aussi, par l’intermédiaire de l’amygdale, à l’origine de nombreuses activations du système nerveux central et autonome (végétatif), de manifestations motrices et de réactions endocriniennes par l’intermédiaire de l’axe HHS et de la sécrétion de cortisol.
Le cortex préfrontal par l’intermédiaire des boucles de rétrocontrôle cortico-striato-thalamo-corticales (CSTC) est lui plus sensible au sentiment d’inquiétude chronique. Mais ses conséquences sur l’organisme avec l’activation de l’amygdale se recoupent avec également la sécrétion de cortisol par l’axe HHS.
Une des théories actuelles de recherche sur la physiopathologie des phénomènes anxiodépressifs est la théorie neurobiologique avec la piste de la neuro-inflammation.
En effet, les avancées dans la recherche ont permis de démontrer une élévation de la CRP au cours des épisodes dépressifs majeurs, mais également une augmentation des cytokines pro-inflammatoires dans la réponse immuno-inflammatoire comme l’IL-1, IL-6 et TNF-α.
Ces cytokines circulant dans l’ensemble du corps de l’individu, cela permet de mieux appréhender la concomitance de troubles apparemment très éloignés entre eux. Ainsi la neuro-inflammation pourra participer à des troubles comme les arthrites inflammatoires ou le syndrome métabolique, et inversement.
En résumé, l’inflammation, même à bas niveau, est un signe d’alerte important à explorer avant l’apparition de nombreux effets collatéraux dont le phénomène anxiodépressif majeur.
Cette approche est confortée empiriquement par la diminution du syndrome inflammatoire lors de la prise d’antidépresseurs ou de la nécessité de surveiller l’apparition d’un syndrome anxiodépressif lors d’un traitement par interféron-α contre l’hépatite C.
Cette étude des voies de l’inflammation dans le cadre d’un trouble de l’humeur dépressif majeur a abouti maintenant à explorer la voie de l’indolamine, de la kynurénine et de ses catabolites TRYCATs. Ces voies représentent une nouvelle façon de penser la dépression, car celles-ci sont majoritairement présentes au sein de l’intestin et pourtant impactent sévèrement le cerveau.
La voie des TRYCATs
Article rédigé par le Dr Loris-Alexandre MAZELIN
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